La grossesse, une façon différente d’aborder les aventures d’une héroïne. État purement féminin, elle ajoute un personnage, invisible, qui subit les risques encourus par les héros. Elle amène aussi les sujets propres aux comportements des héros dans ces circonstances et à la famille. Une héroïne enceinte, ça change un roman.
L’héroïne est enceinte : qu’est-ce que change la maternité ?
Une héroïne confrontée à la maternité, ça permet de vivre une double aventure en simultané. Il y aura une aventure en soi et une autre hors de soi.
L’aventure d’attendre un enfant
La grossesse est une aventure à part entière. Lorsque l’héroïne Tín est enceinte, elle vit cet événement comme un périple dangereux. Elle avance sur un terrain inconnu, telle une exploratrice dans un monde redoutable mais fascinant. On ne se moque pas, c’est exactement comme ça que je me sentais en étant enceinte : une extraterrestre en train de vivre une “expérience”.
Et mon héroïne enceinte est ainsi : elle n’a aucun repère, rien à quoi se rattacher pour parfaire ses connaissances. Elle ne sait pas ce qu’il se passe en elle. Dans le même temps, elle doit continuer à affronter le monde extérieur. Les mêmes dangers vis-à-vis d’un héros lambda et sans l’aspect “grossesse” auraient peut-être moins de saveur.
Subir les affronts du monde en étant enceinte
La grossesse d’une héroïne pourrait être un sujet à part entière. Affronter un monde auquel on s’oppose ou qui nous rejette en est un aussi. Combiner ces deux aspects crée des circonstances particulières. Mon héroïne enceinte est sur tous les fronts : elle alterne entre doutes et certitudes. Elle jongle avec ses ignorances à combler et son corps auquel il faut faire confiance.
Est-ce que l’héroïne aurait eu les mêmes réactions si elle n’avait pas été enceinte ? Sans doute non. Ici, le monde de Tín, rationnel et cohérent, s’effondre. Ses instincts s’éveillent et la future mère se prépare à l’inconnu que représente l’arrivée de son enfant.
Instinct de nidification
L’héroïne Tín est poussée par sa grossesse et les hormones qui influencent son corps. Elle développe des comportements propres à ceux d’une future mère. Un instinct de nidification apparaît et, sans connaissance en la matière, elle cherche à préparer la naissance du “nouvel être”. Une héroïne n’ayant qu’elle-même à sauver aurait choisi d’autres modes de résistance et concentré son action sur des priorités différentes.
Les instincts de mon extra-terrienne la poussent aussi à sortir de l’apathie. Face au danger, les deux héros se mettent en action. Contrairement à leurs habitudes dans leur monde “parfait”, ils apprennent à décider pour eux-mêmes et pour leur enfant à naître. Sur cet aspect “apparition des instincts”, l’absence du volet grossesse peut révéler d’autres facettes dans un roman. C’est sans doute le côté survie et les réactions violentes qui auraient pris le dessus.
L’absence de mémoire : un problème pour les héros confrontés à une grossesse
L’absence de connaissances et de mémoire collective sur le sujet de la grossesse pousse les héros Tín et Chú à trouver des informations ailleurs.
Sororité humaine et maternité
Faire appel aux connaissances des terriennes pour combler ses lacunes ? C’est l’option choisie par les héros d’Une autre vie. Ils utilisent les savoirs des femmes de la Terre pour s’informer sur la grossesse qu’ils ne connaissent pas. Ils découvrent aussi de cette manière les différents aspects que revêt le fait d’élever un enfant.
En cela, malgré elles, les terriennes font preuve d’un soutien digne d’une sororité établie au-delà de leur galaxie. La grossesse, dans cette histoire, ouvre un sujet universel qui permet des liens, des passerelles entre deux mondes.
Le côté animal
Tín, enceinte, doit oublier son penchant rationnel. Elle est confrontée à une combinaison d’hormones, au réveil de ses instincts et à l’absence de connaissance. La grossesse a un côté animal quand l’humain a oublié ce dont il s’agit. J’aime beaucoup cette idée, selon laquelle n’importe où dans l’univers, c’est la perpétuation de la vie qui pourrait être le point commun.
Enfin, face à l’inconnu, elle apprend à se faire confiance. Petit à petit, elle se fie à sa biologie plutôt qu’à ses connaissances. L’héroïne vivant une grossesse permet de balayer les palettes d’émotions vécues dans cet épisode de vie particulier. C’est intéressant, quand on connaît l’influence hormonale qu’on subit enceinte, de mettre ces réactions en parallèle d’un monde neutre, apathique, dépourvu d’émotions.
La douleur d’être mère
L’héroïne enceinte s’inquiète pour son enfant avant même qu’il soit né. Elle expérimente les angoisses, les peurs, pour un être qui n’est pas encore là. Les héroïnes mères affrontent bien d’autres douleurs au cours de leurs aventures. Beaucoup de ces maux découlent de leurs statuts de mères.
Mon héroïne enceinte est aussi un préambule aux sujets familiaux dans leur ensemble. La famille est souvent un cadre propice aux histoires de romans tourmentées et difficiles. La maternité crée un lien filial qui peut être autant heureux que générer des douleurs propres à cette relation.
La famille ou le couple : un cadre intemporel ou un cliché échaudé ?
Dans Une autre vie, on suit l’aventure d’un couple en passe de devenir une famille. Mais le couple comme point de départ d’une histoire n’est pas une évidence.
Le couple rempart : seuls contre tous
L’héroïne amoureuse devient résistante malgré elle pour défendre sa famille en cours de création. J’ai imaginé des personnages unis, liés par des sentiments que leurs congénères n’ont pas. Cependant, l’adversité vis-à-vis d’un monde qu’on défie pourrait tout à fait se concevoir sans l’aspect grossesse et même sans le cadre du couple.
Ils deviennent seuls contre tous parce qu’engendrer un enfant a créé une menace. Quand on conçoit un nouveau-né comme quelqu’un d’inoffensif, cet axiome est un peu fou. Mais on n’est pas sur Terre. Et si, chez nous, chaque nouvelle vie constituait un danger pour l’équilibre de l’ensemble de notre planète ? Espérons qu’on n’en arrive pas là… Mais imagine quand même.
La famille protectrice
Les réactions des futurs parents sont écrites avec des instincts qui prennent le dessus et auxquels ils se fient. Ceci, d’autant plus que l’adversité les pousse à prendre des mesures de protection. C’est un cliché angélique que j’ai développé dans ce roman, ce n’est pas le cas avec d’autres : dans la nature, très peu d’espèces élèvent leur progéniture en couple. Et si le naturel avait complètement pris le pas ? Cette histoire aurait fini par porter un autre nom.
D’un autre côté, il peut y avoir une réaction sociale qui pousse à s’investir dans la création d’une famille. Elle n’est pas développée dans Une autre vie car l’héroïne enceinte dans un monde qui ne connaît pas la grossesse n’a donc pas de codes sociaux pour apprendre son rôle. Le futur père n’est pas poussé par la norme non plus.
La famille, base de construction ?
Le parallèle entre choix individuels opposés au collectif est poussé à l’extrême avec le conflit “famille” contre “société”. L’important est de concilier ces deux aspects, individuel et collectif, pour créer un monde où la liberté est possible sans que les déséquilibres s’installent.
Si un couple peut créer un enfant et aller très loin dans la construction de projets en restant soudé : que peut faire une société unie qui cherche à rester saine et progressiste ? Le bonheur n’est pas dans l’individualisme. Il n’est pas non plus dans le groupe qui supprime les particularités de chacun. Il n’est peut-être nulle part. Il faut le construire, encore.
On en discute ? Laisse-moi ton avis, avant ou après lecture d’Une autre vie.